Notre projet
Quel projet de restauration ?
Faut-il restaurer l’orgue Clicquot ?
Le choix d’un scénario restauration est loin d’être évident lorsque – comme ici – des modifications ont eu lieu aux XIXème et XXème siècles.
Pour l’orgue Clicquot de l’église St-Leu-St-Gilles, le choix d’un scénario de restauration a pris soixante ans !
Néanmoins, la restauration de l’orgue dans son état Clicquot de 1788 fait l’unanimité des experts.
La qualité et l’abondance du matériau Clicquot d’origine dans l’instrument
actuel
Plus de la moitié des tuyaux viennent de Clicquot dont la quasi-totalité du positif. L’orgue a certes été mis au ton à 435 Hz en 1867 par Suret (392 Hz pour l’instrument de Clicquot) : ils ont pavillonnés mais ils n’ont pas été coupés. La mécanique du XVIIIème est intégralement conservée, avec sommiers, ressorts et boursettes, l’essentiel est même en bon état grâce à l’exceptionnelle qualité des peaux et du matériau utilisé par un François-Henri Clicquot au faîte de son art. Les porte-vents sont d’origine. Selon les experts, la restauration intégrale de l’orgue dans l’esprit Clicquot ne pose pas de problèmes de cohérence ou d’historicité puisqu’il ne s’agit que de « dépoussiérer » et compléter les jeux manquants.
L’hétérogénéité des éléments postérieurs à Clicquot et leur manque de traçabilité
Un scénario de restauration dans l’état actuel (Béasse ?) ou l’état Suret a été demandé dans le cadre de l’étude. Il existe en effet de nombreux exemples de « restauration-compromis » réussis, associant harmonieusement construction d’origine XVIIIème française et ajouts romantiques voire ultérieurs.
L’état actuel a été rapidement jugé trop composite, les ajouts du XXème siècle ont été qualifiés par des experts de « bricolages », parfois même payés par les organistes eux-mêmes.
Reconstituer l’orgue dans l’état de 1867 lors de la restauration Suret aurait été une solution assurément plus solide, d’autant plus que Suret n’a fait que « augmenter » l’orgue de quelques éléments romantiques sur une base résolument Clicquot. Il faut aussi dire que la maison Suret a construit des instruments de grande qualité : Ste-Élisabeth de Hongrie à Paris, en particulier, est un chef-d’œuvre d’orgue de transition classique-romantique, comme le sont les orgues Callinet que connaît un peu l’auteur de cet article. L’étude a cependant montré qu’il n’était pas possible de déterminer avec précision ce que la maison Suret avait construit. De plus, cette maison était en 1867 dans une situation financière difficile : Antoine-Louis Suret, le successeur, a réalisé à St-Leu-St-Gilles une restauration à l’économie, la qualité y est bien moindre.
Le peu de place disponible et l’aspect esthétique
La tribune est étroite, la console est d’ailleurs si exiguë que l’organiste ne peut jouer avec pointes/talons. Il n’existait qu’une seule possibilité pour installer un récit expressif en 1867 : construire une boîte au-dessus du buffet, cachant la rosace. Faute de place, ce clavier n’est qu’un dessus de récit (42 notes, do2-fa5) et les jalousies de la boîte expressive activées par une pédale latérale à cran comme celle de St-Sulpice sont visibles.
Le patrimoine organistique parisien manque fortement d’instruments du XVIIIème siècle conservés et accessibles pour la pratique des musiciens
Beaucoup d’instruments parisiens sont d’esthétique romantique et la plupart des instruments parisiens de Clicquot ont été reconstruits au XIXe siècle voire au XXème siècle. De beaux restes de Clicquot sont conservés sur plusieurs d’entre eux (en particulier les batteries d’anches de St-Merry, St-Nicolas-des-Champs, etc.), mais la mécanique et la disposition générale sont la plupart du temps romantiques, le pédalier est à l’allemande et les fonds et mutations ont été modifiés pour sonner avec les jeux romantiques. Les grandes orgues de Saint-Gervais & Saint-Protais (l’orgue des Couperin) sont les mieux conservées de Paris avec une grande partie de tuyauterie ancienne : quelques jeux de Langhedul 1601 et l’essentiel de François-Henri Clicquot (1759-1769). Sa mécanique date cependant essentiellement de Béasse, 1923. En Île-de-France, peu d’orgues intacts de Clicquot ou de style français sont accessibles. A Versailles, derrière un magnifique buffet d’origine, tout l’orgue de la chapelle est une magnifique reconstitution neuve de l’état Clicquot !
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